Qui sommes-nous ?
Fondée en 1949 pour rapprocher les orthodoxes vivant en France en un témoignage « vécu » de l’Orthodoxie en Occident, la revue Contacts a pour but de dégager l’essentiel du témoignage orthodoxe dans une attention pleinement ouverte à toutes ses expressions historiques et géographiques, en montrant dans chacune l’empreinte de l’universalité. Elle désire promouvoir un lien qui n’enserre pas dans des limites étroites : textes de spiritualité, articles de théologie, de liturgie, d’histoire ecclésiale, chroniques viennent de tous horizons, et s’attachent aux problèmes contemporains comme à la réflexion directe sur l’Écriture, aux commentaires patristiques, à la pensée religieuse des XIXe et XXe siècles. Ainsi Contacts s’efforce, en se plaçant sous l’obédience spirituelle de l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France, de manifester concrètement l’unité et l’universalité de l’Église orthodoxe dans l’espace et dans le temps, dans la perspective d’un rapprochement entre les chrétiens.
Historiquement, la revue Contacts est liée à la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale, mouvement ecclésial à la fondation duquel trois rénovateurs de la revue Contacts en 1959 (Olivier Clément, Boris Bobrinskoy, Elisabeth Behr-Sigel) ont joué un rôle décisif.
Perspectives
D’abord, en 1949, mince bulletin au sein d’une «juridiction» incertaine, puis cahiers d’environ cent pages chacun au service de l’unité orthodoxe, la revue a trouvé son sens et sa place en 1959. Ce fut une longue aventure de foi et d’amitié initiée par Jean Balzon, regroupant bientôt Germaine Revault d’Allonnes, Élisabeth Behr-Sigel, et Olivier Clément. C’est au travail infatigable et hors-pair de ce dernier que nous l’on doit le développement de Contacts durant plus de quarante ans, une revue placée dans le rayonnement d’authentiques spirituels et théologiens : le père Sophrony (disciple de saint Silouane l’Athonite), le père Lev Gillet, Paul Evdokimov, Olivier Clément, Elisabeth Behr-Sigel et le père Boris Bobrinskoy.
Déjà, dans le liminaire du numéro un, le fondateur de Contacts, notre ami de bienheureuse mémoire Jean Balzon, notait : « L’Orthodoxie n’est plus une religion de communautés isolées en Occident, elle est devenue un élément organique de notre pays ». Un demi-siècle plus tard, enracinés dans les terres occidentales depuis deux ou trois générations, voire occidentaux de souche pour certains, nous sommes conscients de la situation extraordinaire et du défi que constitue l’élaboration progressive d’une Orthodoxie réellement implantée en Europe occidentale.
En ce sens, chaque jour rend davantage tangible l’anomalie ecclésiologique que représente la séparation, sur des critères culturels et ethniques, des diverses communautés orthodoxes de nos régions, qui relèvent de juridictions épiscopales parallèles, même si un tel clivage résulte des pesanteurs de l’histoire. Il faut saluer à cet égard la constitution récente d’une Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF), comme l’embryon d’un futur synode. S’inscrivant dans cet élan, Contacts fera tout, dans le sillage des travaux de la commission préconcilaire interorthodoxe préparatoire du futur grand concile, pour soutenir l’organisation locale d’une Église orthodoxe canoniquement unifiée en Europe occidentale, qui, tout en garantissant la pérennité des diverses traditions liturgiques, respecte le principe ecclésiologique fondamental de l’Église ancienne : un seul évêque dans chaque diocèse local pour que le Christ ne soit pas divisé.
Certes, depuis la fondation de la revue, bien des choses ont changé. Pour des raisons politiques et économiques l’Orthodoxie se trouve aujourd’hui présente sur tous les continents. Dans l’Europe de l’Est, le totalitarisme persécuteur s’est effondré. Le catholicisme a connu la profonde mutation de Vatican Il. Désormais le matérialisme ordinaire remplace l’athéisme matérialiste en annonçant la liquidation des références spirituelles. La tentation du désespoir ne trouve d’autre abîme que l’ignorance religieuse pour contrer son vertige, même si – et c’est à tout instant – le Christ vient secrètement pour sauver le monde en révélant le mystère de la personne qui croît dans la liberté et l’amour.
La mondialisation ébranle chaque jour davantage les évidences individuelles et collectives. Les jeux de l’argent et du marché, le triomphe de la dérision, de la violence et de l’érotisme, l’exploration du savoir en une diversification croissante, remarquable dans ses conquêtes mais incapable d’unifier ou d’harmoniser les divers domaines de ses succès, la relance des rêves scientistes par les progrès de la biologie, les menaces sur la vie même de la planète… Tout suscite un vide spirituel où s’engouffrent les religions orientales dûment adaptées, et surtout l’orgueil et l’idéal de fusion des sectes.
Alors plus que jamais s’impose la bonne nouvelle de la Résurrection qui peut nous ressusciter de profundis, de la Pentecôte qui peut faire de nous des ouvriers de la pacification et de la transfiguration du monde. Nous sommes conscients du devoir de l’Église orthodoxe qui reste en pleine continuité avec le message des Apôtres et des Pères et dispose d’un immense patrimoine d’intelligence de la foi, de sainteté et de beauté, à condition que nous sachions tenir à l’homme d’aujourd’hui un langage qui lui soit accessible.
L’intelligence chrétienne du monde ne peut, en effet, éluder le débat entre la modernité occidentale, aujourd’hui mondialisée, et l’Orthodoxie, aujourd’hui universelle, un débat qui touche tous les domaines traditionnels des préoccupations religieuses et culturelles: théologique, spirituel, anthropologique, historique, artistique. Elle ne peut esquiver non plus et doit aborder aussi, avec prudence mais dans la conscience des urgences contemporaines, les multiples champs du savoir et du vivre que la modernité a conquis (politique, économique, scientifique, technologique) ou, quelquefois, annexés (social, éthique).
Dans cet esprit et selon ces nécessités nouvelles, l’Orthodoxie ne peut se passer de plusieurs dialogues. À l’intérieur d’elle-même d’abord, notamment entre ce qu’elle devient en Occident et ce qu’elle veut rester dans les pays depuis longtemps marqués par son génie. L’ecclésiologie de communion, fortement retrouvée et définie par ses grands théologiens occidentaux, de Saint-Serge (Paris) à Saint-Vladimir (New York), pourra-t-elle s’imposer face au durcissement des autocéphalies, et l’articulation de celles-ci et de la primauté universelle redevenir réalité ? Nous tentons modestement de contribuer au rayonnement de cette théologie authentique qui appartient à la Tradition indivise de l’Église du premier millénaire. Tout en rappelant les principes d’une saine ecclésiologie, Contacts entend également rester en dehors des querelles et des tensions qui agitent périodiquement l’Orient chrétien et se répercutent en Occident.
En vertu de l’appel même du Sauveur, nous voudrions demeurer ouverts, envers et contre tout, particulièrement aujourd’hui, au dialogue œcuménique. Quelles qu’en soient les raisons, la division des chrétiens est un contre-témoignage.
C’est pourquoi la revue Contacts reste attentive aux relations entre les chrétiens, tout spécialement dans le domaine de la foi, clé de l’unité. Nous rendons compte en particulier, dans la mesure du possible, des progrès et des blocages du dialogue officiel entamé depuis plus de vingt ans avec l’Église romaine, après la levée des anathèmes réciproques de 1054. Sans oublier l’appel du monde protestant à mieux connaître, inséparablement, l’Écriture, ce « corps du Verbe », et la misère concrète des hommes. Connaissance mutuelle, analyse, sans aigreur et sans complaisance, des facteurs théologiques et historiques toujours à l’œuvre, dans une fidélité absolue à la Vérité qu’est le Christ. Nous accueillons dans les pages de la revue quiconque, de quelque confession qu’il soit, entend faire œuvre de vérité et donc d’unité.
Simultanément, Contacts voudrait favoriser l’approfondissement de l’unité des chrétiens en traitant de la prière liturgique orthodoxe, spécialement de la liturgie eucharistique, fondement de la communion, et des grandes voies de l’intériorité, notamment la tradition de l’hésychasme et de la « prière de Jésus ». Celle-ci s’avère précieuse dans un monde perdu d’extériorité ou tenté au contraire par les vertiges d’un absolu supra-personnel et d’une fusion où s’abolirait l’humble et pourtant infinie réalité de la personne. Parallèlement, une place reste réservée à l’étude des saints, à l’art liturgique et à la question des images, où les chrétiens peuvent trouver un lieu d’approfondissement et de communion. Enfin les graves questions d’ordre éthique liées aux progrès technico-scientifiques et aux évolutions de la société contemporaine sont l’occasion d’un partage avec les autres traditions chrétiennes.
En-dehors du christianisme, la revue reste ouverte au dialogue inter-religieux, inévitable en notre siècle. Les orthodoxes, le plus souvent arabes, du patriarcat d’Antioche ont depuis longtemps engagé et déjà mené loin le dialogue avec l’islam. Certains missionnaires russes et grecs ont rencontré en profondeur le bouddhisme en Asie septentrionale et orientale. Certains autres ont vécu dans l’Inde et le Proche-Orient et montré, voire expérimenté, les convergences entre l’hésychasme, le soufisme et la haute spiritualité hindoue.
Et certes rien ne sera possible sans une ouverture renouvelée à l’Esprit Saint, à la « nouveauté de l’Esprit », pour que celui-ci nous fasse collaborer à cette création géniale qu’attend la nouvelle époque du christianisme, ce christianisme qui, disait Alexandre Men, « ne fait que commencer », et ne peut se renouveler sans la « vie en Christ », vrai Dieu et vrai homme.
Pour reprendre la finale du premier numéro de Contacts (1949), nous demandons instamment à tous ceux qui liront cette revue de « nous soutenir par leur prière, leur sympathie et leur collaboration ».
Comité de rédaction:
Directeur : Michel Stavrou
Secrétaire : Olga Lossky-Laham
Membres :
Père Michel Evdokimov
Juliana Lopoukhine-Pierre
Père Grégoire Papathomas
Jean-Claude Polet
Noël Ruffieux
Michel Sollogoub
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Fondateurs:
Jean Balzon (+)
Germaine Revault d’Allonnes (+)