N° 261 – 1er trim. 2018
Liminaire
Au moment où nous préparions ce volume, notre ami le p. Nicolas Lossky s’est endormi dans le Christ à l’âge de 87 ans. Fils du théologien Vladimir Lossky, il était depuis plus de cinquante ans un membre fidèle du comité de rédaction de notre revue. Spécialiste de l’anglicanisme et enseignant à l’Institut Saint-Serge, il s’était tôt engagé dans le dialogue œcuménique, rappelant souvent que la Liturgie de saint Basile contient des prières spéciales en faveur de l’unité des Églises. Il joua aussi un rôle actif dans la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale. Que sa mémoire soit éternelle !
Ce volume s’ouvre par une méditation autour d’une activité inhérente à la « communion des saints » : la prière d’intercession. N’y sommes nous pas appelés à l’heure où l’information en continu, par le biais de l’internet et des autres médias, nous fait connaître au quotidien tant de drames qui secouent la planète, du calvaire des migrants aux victimes des catastrophes naturelles ? Exposé à l’avalanche de nouvelles déversées par les écrans, chacun se sent seul et démuni face à tant de tragédies. Le chrétien a pourtant une vocation particulière face à ces malheurs. Appelé à s’engager physiquement, dans la mesure du possible, pour la défense de chaque personne humaine en faisant appel aux moyens d’action concrets qui ne manquent pas – associations, dons d’argents, etc. –, il est aussi appelé à vivre spirituellement cette solidarité invisible de tous les hommes. Jamais autant qu’à notre époque, où les médias nous donnent le terrible privilège de pouvoir suivre en direct les drames que vivent des frères et sœurs en humanité, la force de cette prière n’aura semblé si prégnante.
Le métropolite Antoine Bloom, un des pères spirituels de l’orthodoxie occidentale au XXe siècle, dans une conférence inédite que nous publions ici, présente cette démarche chrétienne de prière dans toute sa radicalité. Il s’agit de se placer spirituellement au cœur de la situation douloureuse pour implorer, du fond de cet abîme librement partagé avec ceux qui souffrent, la grâce miséricordieuse du Sauveur. Dans un langage concret, accessible, émaillé d’exemples actuels, le propos du métropolite Antoine, relu dans notre contexte, nous incite à porter une part de cette Croix mise en évidence par la surinformation contemporaine et nous indique la façon de prendre sur nos épaules une infime part des souffrances humaines. Cette souffrance qui secoue le monde, les chrétiens sont invités à venir la déposer aux pieds du Christ, celui qui est venu humblement ici-bas assumer notre condition de créatures en portant tout le péché du monde et ses souffrances, pour guérir nos infirmités et nous ouvrir les voies de la résurrection. Cette démarche est partie intégrante de l’acte d’offrande eucharistique, où toute la matière de nos vies et de l’univers est appelée à être sanctifiée par l’action du Saint-Esprit.
Dans une étude à la fois fouillée et inspirée, le père André Scrima, célèbre théologien et spirituel roumain, rappelle ce grand mouvement de la liturgie. Nous reproduisons ici la première partie de son étude inédite, introduite par Anca Manolescu, qui donne l’éclairage nécessaire pour comprendre le contexte dans lequel le savant moine fut amené à formuler sa réflexion. La seconde partie paraîtra dans un prochain volume de Contacts.
Autre témoignage de la vitalité de la théologie roumaine contemporaine : l’article de Cyprien Apintiliesei, dont la haute teneur académique bénéficie d’une expression claire et pédagogique, explique ce qui se joue dans la prière de l’Église. Revenant sur un point de la cosmologie des Pères repris et développé par le père Dumitru Staniloae, il explicite la notion des « raisons divines » à l’œuvre dans la création. Concept-clé pour concevoir le processus de déification du monde : acteur principal de ce mouvement, l’homme est appelé à rendre le monde conforme aux raisons divines originelles en s’ouvrant au rayonnement des énergies incréées. Cette lumière sanctifiante de la vie divine a été manifestée lors du baptême du Christ :
« Fidèles, chantons la grandeur des bienfaits de Dieu à envers nous ; car pour notre péché, Il est devenu homme et, dans le Jourdain, Il se purifie de notre purification, lui le seul pur et sans corruption ; Il me sanctifie, ainsi que les eaux, et brise dans cette eau les têtes des dragons.»
En cette année civile qui débute, l’équipe de rédaction de Contacts souhaite à chacun de ses lecteurs de devenir un collaborateur actif de la grâce divine, « prenant sa part de souffrance, en bon soldat du Christ » (Cf. 2 Tm 2,3), dans l’espérance radieuse que le Christ Lui-même combat à nos côtés. Que l’on n’en oublie pas néanmoins de régler son réabonnement.
Michel Stavrou
Sommaire
Liminaire
[p. 3-6]
L’intercession
[p. 7-20]
Métropolite Antoine de Souroge
André Scrima (1925-2000) ou la stabilitas in peregrinatione
[p. 21-27]
Anca Manolescu
Essai sur la spiritualité liturgique de l’Église d’Orient (Première Partie)
[p. 28-56]
Père André Scrima
Les raisons divines et leurs rapports à la Sainte Trinité selon l’approche de Dumitru Staniloae
[p. 57-90]
Cyprien Apintiliesei
Chronique
– 1517-2017 : 500 ans de la Réforme, Un colloque œcuménique à la Faculté de théologie pastorale de Thessalonique (mars 2017)
– Congrès théologique annuel de l’ACER-MJO, Avon, octobre 2017 – Décès du père Nicolas Lossky – In Memoriam Pierre Rosniansky (1944-2017)
[p. 91-96]
Bibliographie
[p. 97-115]